FORMES
POÉTIQUES
A la manière de…
CONTRAINTE
Décrire le hall du bâtiment Copernic à la manière de l’incipit de La Vie mode d’emploi de Georges Perec (1978).

Texte source :
« Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie de l'immeuble se répercute, lointaine et régulière. De ce qui se passe derrière les lourdes portes des appartements, on ne perçoit le plus souvent que ces échos éclatés, ces bribes, ces débris, ces esquisses, ces amorces, ces incidents ou accidents qui se déroulent dans ce que l'on appelle les "parties communes", ces petits bruits feutrés que le tapis de laine rouge passé étouffe, ces embryons de vie communautaire qui s'arrêtent toujours aux paliers. Les habitants d'un même immeuble vivent à quelques centimètres les uns des autres, une simple cloison les sépare, ils se partagent les mêmes gestes en même temps, ouvrir le robinet, tirer la chasse d'eau, allumer la lumière, mettre la table, quelques dizaines d'existences simultanées qui se répètent d'étage en étage, et d'immeuble en immeuble, et de rue en rue. Ils se barricadent dans leurs parties privatives (puisque c'est comme ça que ça s'appelle) et ils aimeraient bien que rien n'en sorte, mais si peu qu'ils en laissent sortir, le chien en laisse, l'enfant qui va au pain, le reconduit ou l'éconduit, c'est par l'escalier que ça sort. Car tout ce qui se passe passe par l'escalier, tout ce qui arrive arrive par l'escalier, les lettres, les faire-part, les meubles que les déménageurs apportent ou emportent, le médecin appelé en urgence, le voyageur qui revient d'un long voyage. C'est à cause de cela que l'escalier reste un lieu anonyme, froid, presque hostile. Dans les anciennes maisons, il y avait encore des marches de pierre, des rampes en fer forgé, des sculptures, des torchères, une banquette parfois pour permettre aux gens âgés de se reposer entre deux étages. Dans les immeubles modernes, il y a des ascenseurs aux parois couvertes de graffiti qui se voudraient obscènes et des escaliers dits de "secours", en béton brut, sales et sonores. Dans cet immeuble ci, où il y a un vieil ascenseur presque toujours en panne, l'escalier est un lieu vétuste, d'une propreté douteuse, qui d'étage en étage se dégrade selon les conventions de la respectabilité bourgeoise: deux épaisseurs de tapis jusqu'au troisième, une seule ensuite, et plus du tout pour les deux étages de combles.
Oui, ça commencera ici : entre le troisième et le quatrième étage, 11 rue Simon-Crubellier. Une femme d’une quarantaine d’années est en train de monter l’escalier, elle est vêtue d’un long imperméable de skaï et porte sur la tête une sorte de bonnet de feutre, en forme de pain de sucre, un peu l’idée que l’on se fait d’un chapeau de lutin, et qui est divisé en carreaux rouges et gris. »